À la recherche du TGV postal

Auteur :  x0r Publié le   Nombre de commentaires : 6
Mots-clefs : train photo tgv postal trainspotting

Les jours des TGV postaux sont comptés et il ne leur reste plus qu'un mois avant d'arrêter définitivement de circuler sur le réseau ferré national.

La rame n°952 au Technicentre TGV Sud-Est
La rame n°952 en unité multiple avec la n°951 au Technicentre TGV Sud-Est.

C'est donc dans un but de les photographier une dernière fois que j'ai essayé de partir à leur rencontre. J'ai pu repérer trois rames, la n°951 et la n°952 en unité multiple d'une part, et la n°953 d'autre part, toutes deux stationnées au Technicentre TGV Sud-Est. Mais cela a surtout été l'occasion pour moi de découvrir des paysages (ferroviaires) inhabituels pour le commun des mortels, accessibles depuis la voie publique mais pourtant faciles à rater lorsqu'on n'ouvre pas l'œil.

Je vous laisse donc admirer l'album photo que j'ai fait de cette petite escapade, le temps pour moi de me reposer un peu entretemps et retrouver la motivation de publier des billets plus techniques par la suite. Six mois sans vacances, ça commence à me taper sur les nerfs…

Profiter au maximum d'un Canon EOS 50D sous Linux

Auteur :  x0r Publié le   Nombre de commentaires : 1
Mots-clefs : linux photo canon 50d eos

Passion pour la photo et projets récents d'astrophoto obligent, j'ai été amené à remplacer mon ancien boîtier reflex par un Canon 50D d'occasion.

Dans ce court billet, je vais documenter quelques fonctionnalités de cet appareil photo qui sont accessibles avec gphoto2, et pour lesquels on n'est pas obligé d'installer les logiciels de Canon sur un quelconque système d'exploitation propriétaire. Je parlerai notamment des informations de copy­right personnalisées que l'on peut programmer et que le boîtier inscrira automatiquement dans les informations EXIF des photos, et je parlerai également de la prise de vues par USB.

Le but de ce billet n'est pas d'être un tutoriel complet, mais de parler des choses un peu plus délicates qui sont possibles avec gphoto2 et d'informations qui concernent ce modèle particulier, ou d'autres de la même gamme.

Informations de copyright personnalisées

Tout d'abord, le boîtier accepte trois chaînes de caractères personnalisées, qu'il inscrit dans les informations EXIF de manière systématique dans chaque photo. Étant donné que j'avais entre les mains un boîtier d'occasion, il s'agissait pour moi de supprimer le plus vite possible les informations qu'avaient saisies le propriétaire précédent pour les substituer avec les miennes.

On peut ainsi programmer le nom de l'auteur, une information de copyright (par exemple « Tous droits réservés » ou « CreativeCommons CC BY-NC-SA », ou peu importe) et le nom du propriétaire du boîtier. En respectant ma tradition de pseudonymat, j'ai alors procédé de la manière suivante :

% gphoto2 --set-config '/main/settings/artist=x0r'
% gphoto2 --set-config '/main/settings/copyright=Tous droits reserves'
% gphoto2 --set-config '/main/settings/ownername=x0r'

À noter que le boîtier fonctionne mal avec l'UTF-8 ; je n'ai cependant pas essayé de lui donner de chaînes en ISO-8859-1 pour voir si ça passe.

Capture d'images par USB

Comme tous les boîtiers Canon que j'ai eues entre les mains, il est possible de déclencher la capture d'une photo par USB.

Cette fonctionnalité est plus utile qu'on le pense : par exemple, lorsqu'on tient un stand photo et qu'on veut afficher directement les photos prises sur un grand écran pour traitement numérique ou impression (une technique appelée « tethering »). J'utilise également cette fonctionnalité dans un script transformant un PC en télécommande intervallomètre (l'« intervallomètre du pauvre », parce que j'attends d'avoir une vraie raison pour claquer 100 euros dans une télécommande-intervallomètre de Canon).

Les commandes de capture restent inchangées :

% gphoto2 --capture-image
% gphoto2 --capture-image-and-download

La première commande prend une photo et l'enregistre sur la carte CF. La seconde commande fait de même, mais récupère immédiatement le fichier.

Cependant, il m'est déjà arrivé de voir que mes photos n'étaient pas enregistrées sur la carte CF après avoir utilisé une de ces commandes. Il faut alors demander à l'appareil de stocker les photos capturées sur la carte CF et non pas dans la RAM interne (où toute prise de vue est immédiatement détruite). La commande « magique » est la suivante :

% gphoto2 --set-config '/main/settings/capturetarget=1'

Nombre de déclenchements

Connaître le nombre de déclenchements qu'a fait un boîtier est particulièrement utile lorsqu'on cherche à en acheter un ou à le vendre. Heureusement, encore une fois, pas besoin de systèmes d'exploitation ni d'outils propriétaires ; une simple commande suffit :

% gphoto2 --get-config /main/status/shuttercounter

Notez que le nombre de déclenchements peut être largement supérieur aux numéros des fichiers enregistrés sur la carte CF. Je soupçonnais que le mode « Live View » était responsable de cela, mais ça n'a pas l'air d'être le cas : même une photo prise en Live View incrémente le compteur de 1. C'est étrange, car cette fonction provoque pourtant la remontée du miroir et l'ouverture de l'obturateur, comme pour prendre une photo.

Conclusion

Mis à part quelques éléments un peu bizarres (la commande « magique » pour faire marcher les prises de vues par USB et les bizarreries liées au compteur d'obturation), il n'y a vraiment pas grand-chose de bien surprenant dans ce boîtier en termes de prise de contrôle par USB. Dans tous les cas, je salue le travail de rétroingénierie qui a dû être fait pour obtenir toutes les informations liées à la connectivité USB, de même que ce qui a dû être fait pour déchiffrer les informations EXIF propriétaires (« MakerNotes ») enregistrés par les différents boîtiers.

Orange : IPv6 se concrétise (presque)

Auteur :  x0r Publié le   Nombre de commentaires : 2
Mots-clefs : orange ipv6 déploiement

Mise à jour du 14 février 2016 : ce billet est obsolète ; vous trouverez un billet de mise à jour ici.

Après avoir longuement parlé de l'offre IPv6 de Free il y a quelques années, je considérais que l'IPv6 restait le grand absent des offres Livebox pour les particuliers.

Mais on dirait que ça va bientôt changer, car dans la nuit du 23 au 24 mars 2015, le firmware de ma Livebox a été mise à jour à la version SG30_sip-fr-5.7.16.1. Et quelle fut ma surprise quand j'ai vu un onglet « Internet IPv6 » apparaître dans mon interface d'administration !

IPv6 par Orange, un jour peut-être...
Mazette, c'est Noël en retard !

Et quelle fut ma déception quand, lorsque je clique sur le bouton "activer", rien ne se passe.

En tout cas, cela signifie donc bien que le déploiement de l'IPv6 par Orange touchera les particuliers dans un futur proche. Dans combien de temps, je l'ignore ; mais en tout cas, je le suivrai de près.

Pour ceux qui se sont intéressés à la supervision de la Livebox par Nagios, l'URL « sysbus » utilisée pour obtenir l'état de la connectivité IPv6 est :

http://192.168.1.1/sysbus/NMC/IPv6:get

et comme d'habitude, on peut obtenir l'état de la connectivité IPv6 avec une requête POST contenant :

{"parameters":{}}

Le résultat, chez moi, est le suivant :

{"result":{"status":null,"data":{"Enable":false,"IPv6Address":""}}}

Le "Enable": false signifie donc bien que ce n'est pas encore pour tout de suite.

La surprise suivante sera de savoir à quoi ressembleront nos préfixes IPv6, quelles seront leurs tailles (je serai un peu déçu si ce ne sont que des /64), s'il sera possible de faire de la délégation de routage dessus, si le préfixe IPv6 ne va pas changer toutes les semaines et si cela signifiera (enfin) la fin des adresses IPv4 dynamiques. À suivre.

Minitel : résurrection du serveur EDTA

Auteur :  x0r Publié le   Nombre de commentaires : 4

Dans mon précédent billet portant sur du "hacking" Minitel, je parlais de la marche à suivre pour héberger un serveur Minitel derrière une ligne téléphonique, à l'aide d'un modem et d'un serveur applicatif.

Pendant ce temps, j'ai eu l'occasion de suivre les travaux d'Alexandre Montaron (alias « Ca/\/al »), qui a monté EDTA, son propre serveur Minitel privé à l'époque où c'était encore le seul mode de communication "en ligne" accessible au public français.

Lorsqu'il m'a envoyé un mail, il y a six semaines, pour me dire qu'il avait remis sur pied une machine avec des backups (de fin 1992 !) faisant tourner le serveur, c'était là une invitation à allumer le Minitel 1B trônant encore sur mon bureau, rebrancher le câble série, et partir à l'aventure.

J'aurais aussi pu accéder à EDTA en me logguant directement par telnet depuis une console Linux, mais j'étais désireux de l'expérience d'origine, avec la poussivité des 1 200 bauds, en niveaux de gris sur l'écran CRT du terminal d'origine.

À cheval entre deux époques

Le serveur n'est hélas pas toujours actif. Mais lorsqu'il l'est, il est accessible aussi bien par Telnet (avec une interface similaire à ncurses qu'on peut utiliser dans un Xterm) que par netcat (redirigé vers un port série pour un accès en "mode Vidéotex").

C'est un serveur dont on pourrait dire qu'il est à cheval entre deux époques, l'époque « Minitel » et l'époque « Internet ».

Je n'ai eu l'occasion de m'y connecter qu'une fois, donc il m'est hélas impossible de publier des photos de mon Minitel affichant EDTA comme j'aurais souhaité le faire. Mais ce fut néanmoins une expérience particulièrement fascinante.

La première chose qui frappe est la lenteur de l'affichage. Malgré tous les efforts d'optimisation du code Vidéotex, on se heurte rapidement aux limitations du matériel de l'époque. Le débit descendant équivaut à 120 caractères par seconde en l'absence de codes couleur, de lettres accentuées ou d'effets (pseudo-)graphiques. Il s'agissait d'une époque où il était encore difficile d'imaginer qu'on puisse disposer trente ans plus tard de connexions à Internet un million de fois plus rapides et que l'on pourrait rester en ligne en permanence, le tout sans occuper la ligne téléphonique. Au fur et à mesure que j'évolue dans les différents menus du serveur, le temps que la page s'affiche me laisse le temps de réfléchir au choix que je ferai. Le temps d'affichage invite à la patience et à réfléchir avant de faire son choix, comme s'il s'agissait d'une partie d'échecs.

Une chose est sûre : il fallait se munir de patience pour se connecter sur ce genre de serveurs, et se réserver un petit crénau horaire dévoué à la rédaction de messages sur ce que nous appellerions maintenant un forum. À l'époque, il fallait exécuter le rituel consistant à composer le numéro du serveur privé et de prier que ses trois lignes ne soient pas déjà occupées par d'autres utilisateurs. Enfin, le temps est compté : tout d'abord par France Télécom (sans objet dans mon cas, car je me connectais via netcat), mais aussi par le serveur privé, pour assurer une certaine équité entre les utilisateurs et éviter que trop d'utilisateurs simultanés, que ce soit par cupidité ou par négligence, s'accaparent les trois lignes téléphoniques dont disposait EDTA à l'époque. Le système n'hésite pas à déconnecter abruptement tout utilisateur dépassant vingt minutes de connexion ; le décompte des minutes restantes avant la fin de la session étant indiqué tout en haut de l'écran.

Une sorte de voyage temporel

C'est néanmoins un drôle de sentiment qui m'envahit lorsque j'arpente les menus d'EDTA. Le fait que le disque dur de la machine d'origine ait rendu l'âme et que les seules backups disponibles remontent à fin 1992 donnent une impression désolée. La lecture des forums témoigne d'une présence assidue des membres qui étaient encore dessus à l'époque, jusqu'à ce que tout s'arrête brusquement. Mettre les pieds pour la première fois sur ce serveur vingt-trois ans après la date de son archivage ne donne pas seulement l'illusion d'être un étranger, mais aussi celui d'être un voyageur temporel.

D'un seul coup, mon Minitel fait un bip, et le mot « Missive ! » s'affiche sur la ligne tout en haut de l'écran. Ca/\/al savait que j'étais là et cherchait à me parler ! Il m'a fallu un peu de temps avant de comprendre que cette indication signifiait qu'il fallait que je me rende sur la page « Multi-dialogue » pour lire mon message. Mais lui était connecté en Telnet, et ayant délibérément choisi l'inconfort du vrai terminal, je ne pouvais pas naviguer aussi rapidement que lui.

Le système de multi-dialogue qu'a fait Ca/\/al ressemble un peu à une version dépouillée d'IRC, pour ceux qui savent encore ce que c'est. Imaginez un logiciel de messagerie instantanée, mais qui n'affiche pas l'historique des messages. Seuls le dernier message de son interlocuteur et celui qu'on est en train d'écrire apparaissent à l'écran. De plus, si l'interlocuteur envoie un autre message pendant qu'on répond au premier, on ne le voit pas instantanément apparaître à l'écran ; il faut alors abandonner son message en cours pour le lire, ou le terminer pour répondre de manière décalée à la missive suivante.

Le système est rudimentaire, mais efficace. Le seul point délicat reste le clavier du Minitel, qui exige un petit temps d'adaptation et de ne pas dépasser les 7,5 caractères par seconde du fait du débit ascendant de 75 bauds et l'absence de mémoire tampon entre le clavier et le modem. De plus, je suis obligé de maintenir la touche "Maj" enfoncée lorsque j'écris, car le Minitel est en mode « Verr. Maj. » par défaut et n'a pas de touche pour le désactiver.

Et pourtant, c'est comme ça qu'on communiquait, il y a vingt-cinq ans.

Mode d'emploi

Je finirai sur une note plus technique, pour vous expliquer comment j'ai fait pour pouvoir profiter de ce serveur avec un vrai Minitel relié à une machine sous Linux.

Tout d'abord, il faut régler les paramètres du port série. Dans mon exemple, il s'agit de /dev/ttyS0 ; substituez-y le bon chemin, en particulier si vous utilisez un convertisseur RS232 vers USB. Les réglages se font avec la commande suivante :

# stty -F /dev/ttyS0 1200 raw cs7 parenb -parodd opost onlcr cread \
  hupcl -echo -echoe -echok

Le Minitel active l'écho local lorsque son modem est raccroché (autrement dit, lorsque la lettre F est affichée en haut à droite de l'écran). Or, en temps normal, cet écho local est désactivé et c'est le serveur distant qui s'occupe du "retour" visuel lorsqu'on frappe au clavier. Il faut donc désactiver l'écho local à la main : appuyez sur Fnct et T simultanément, relâchez ces touches et tapez E et c'est chose faite. Sinon, tout ce que vous taperez s'affichera en double.

Enfin, la dernière étape pour profiter du spectacle est de saisir la commande de connexion :

# nc edta.hd.free.fr 4586 > /dev/ttyS0 < /dev/ttyS0

Avec un peu de chance, vous tomberez pile à un moment où le serveur est allumé (il ne l'est pas toujours) ; dans ce cas, il ne reste plus qu'à l'explorer et à l'admirer.

Conclusion

Le travail de Ca/\/al reste tout de même fascinant, même après toutes ces années pendant lesquelles on décrétait le Minitel comme obsolète. Mais nos deux initiatives respectives vont en réalité ensemble : d'une part, j'avais réussi à mettre en place l'infrastructure nécessaire pour mettre en place un serveur Minitel ; d'autre part, Ca/\/al fournit une implémentation d'un serveur Minitel, mais dépourvu en l'état d'interface avec la téléphonie analogique.

Chapeau bas, en tout cas, pour avoir pris le temps de refaire découvrir les arcanes d'un tel microserveur Minitel.

YouTube et Content ID : une copie à revoir sans attendre

Auteur :  x0r Publié le   Nombre de commentaires : 1
Mots-clefs : copyright youtube content id fingerprint

Cela fait maintenant presque un an depuis que j'ai supprimé mon compte YouTube. Il s'agissait d'une décision initialement prise sur un coup de tête, mais avec le recul, je me rends compte que c'était la conséquence d'un ressenti d'une expérience de plus en plus nauséabonde sur le site. Cela a eu pour conséquence de casser une vidéo que j'avais en « embed » en guise d'illustration sur un de mes articles, mais que je n'ai pas eu le temps de remplacer.

Ah, qu'est-ce que j'aurais bien aimé pouvoir saisir ÇA dans leur formulaire...
Parfois, j'aurais bien aimé faire ça.

Le fautif principal de cette mauvaise expérience pour moi est Content ID. Ce système est initialement prévu pour empêcher les utilisateurs de soumettre du contenu en violation des droits d'auteur d'autrui. Les détenteurs des droits d'auteur peuvent y soumettre des fichiers de référence, et Content ID se charge alors de scanner systématiquement toute nouvelle vidéo publiée sur le site pour trouver des correspondances. En cas de correspondance, une réclamation automatique est envoyée à celui qui a uploadé la vidéo en question ; la vidéo peut alors être bloquée ou se voit truffée de publicités au profit des « ayants-droits ».

Je comprends l'initiative, mais celle-ci est hélas totalement pervertie par un système mal conçu, fonctionnant dans un mode de présomption de culpabilité et avec des voies de recours plus que lacunaires. Certaines de ces situations m'ont rendu extrêmement furieux ; mais au lieu d'écrire un article injurieux envers Content ID comme il en existe des cents et des milles, je vais calmement détailler dans cet article mes propres déboires liés à Content ID, et tenterai d'y apporter des commentaires constructifs et sans animosité.

Je ne me considère pas cinéaste, et je ne faisais heureusement pas partie de ceux qui vivent exclusivement des revenus générés via YouTube. Je suis juste un amateur qui aime bien avoir une caméra dans les pattes de temps en temps. En particulier, lorsque je sonorise mes vidéos avec des morceaux de musique, je m'assure de pouvoir le faire en toute légalité et choisis généralement des œuvres CreativeCommons.

Sale pirate

Premièrement, j'avais eu l'occasion d'enregistrer un concert de musique classique pour lequel j'avais la permission de filmer. En la postant sur YouTube, une partie de la bande son est identifiée comme du contenu appartenant à Universal (UMG Publishing Group, plus exactement). Or, non seulement il s'agissait d'une interprétation unique d'un morceau de Dvořák, dont la musique fait désormais partie du domaine public, mais le morceau avait en plus été identifié comme du Vivaldi. J'ai dû contester cette réclamation deux fois : la première fois, j'avais rédigé ma contestation de manière un peu maladroite et Universal avait alors refusé de retirer sa plainte. Ce n'est qu'en supprimant la vidéo, en la réuploadant à nouveau et en répétant le même processus en prenant cette fois le temps de rédiger mon message soigneusement et en sourçant toutes mes affirmations qu'Universal a daigné se retirer. Au total, une vingtaine d'heures de perdues sur ce genre de futilités, en comptant le temps d'uploader la vidéo d'une heure et demie sur la petite connexion ADSL que j'avais à l'époque. À raison de deux fois deux gigaoctets à 100 ko/s, un calcul plus détaillé sera laissé en tant qu'exercice du lecteur.

Deuxièmement, il m'est arrivé plusieurs fois d'avoir vu de la musique CreativeCommons identifiée comme telle, mais avec un propriétaire répondant au doux nom de « AdRev for a 3rd party ». Ces réclamations, qui suscitent à juste titre de nombreuses interrogations, ont toujours été retirées par la suite après contestation, où je précisais toujours que ce AdRev n'était pas le dépositaire des droits d'auteur et que cette réclamation était sans objet.

D'après ce que j'ai compris, AdRev est juste un intermédiaire qui permet à des compositeurs de monétiser l'inclusion de leurs musiques dans des œuvres dérivées. Or certains de ces morceaux sont sous licence CreativeCommons BY-NC-SA, ce qui m'oblige donc de sortir mes vidéos sous cette même licence. Or cette licence interdit toute exploitation commerciale. Dans ce cas, AdRev serait en violation de ma propre licence en touchant de l'argent sur mon travail sans mon autorisation.

Là où le bât blesse est que, lors d'une fausse identification (ce qui m'est arrivé pas moins d'une fois sur deux !), il est tout bonnement impossible de trouver dans le formulaire de contestation une case qui signifie « L'œuvre identifiée n'est pas la bonne » et qui me permettrait de saisir la référence correcte. Dans ces cas-là, j'ai toujours coché la case « J'ai une licence ou une autorisation écrite » même si dans les faits, je n'ai absolument rien de tout cela : après tout, nul besoin de posséder de licence pour une œuvre qui n'a pas servi à la réalisation de sa vidéo. Il n'y a donc pas d'autre choix que de commettre un délit de parjure pour obtenir le respect de ses droits dans cette situation.

La capture d'écran ci-dessous illustre avec justesse à quel point mes options en cas de contestation sont ridicules.

Liste des voies de recours
Il leur manque des cases. (Image tirée des forums Jamendo)

Cependant, cela reste impressionnant de voir que Google a malgré tout tenté l'aventure de mettre en place ce genre de systèmes. Il ne leur manquerait plus de substituer à la langue de bois un peu d'humilité face à ses dysfonction­nements.

Une technologie mal utilisée

En me fondant sur mes propres expériences et les témoignages que j'ai pu lire ou entendre, mes suggestions pour améliorer Content ID sont les suivantes :

  1. Pour chaque réclamation à l'encontre d'une vidéo, permettre de vérifier que l'entité revendicatrice soit bien dans son bon droit. Par exemple, il est difficile de savoir pourquoi AdRev serait habilitée à administrer les droits d'un morceau sous une licence CreativeCommons interdisant l'exploitation commerciale.

    YouTube doit être plus transparent pour que ses utilisateurs puissent rédiger des messages de contestation informées et relever plus facilement les cas de fraude. Une possibilité serait donc d'imposer la publication des documents de cession de droits ou toute autre preuve similaire. Le corollaire serait de considérer nulle et non avenue toute réclamation sans preuve et de lourdement sanctionner les contrevenants, aussi puissants qu'ils soient.

    Il faudra également ajouter deux cases dans le formulaire de contestation : « Je conteste la paternité de ce contenu » pour demander des preuves que l'entité a bien le droit d'exploiter l'œuvre litigieuse, et « Cette réclamation est entièrement infondée » pour tous les autres cas.

  2. Ne pas refaire à l'identique les réclamations déjà retirées. Par exemple, si une œuvre avait été identifiée à 5 min 39 s et que la réclamation est retirée, ce serait bien de ne pas me harceler à nouveau six mois plus tard à propos de la même œuvre, cette fois identifiée à 5 min 40 s. Je ne suis hélas pas allé jusqu'à voir s'ils allaient continuer à me faire autant de réclamations qu'il y a de secondes dans la vidéo. Le fait que ce soit un robot qui génère ce genre de réclamations rend la situation particulièrement pathétique.

  3. Admettre la possibilité de faux positifs ou de mauvaises identifications. Cela signifie surtout ajouter une case correspondante à ce cas de figure dans le formulaire de contestation. Il est inconcevable de penser que ce genre de systèmes soit infaillible ; ce sont des êtres humains tout aussi faillibles qui l'ont développé. La plus fondamentale des évidences est donc d'envisager la possibilité que Content ID se soit « trompé ». Supposer le contraire est naïf et arrogant.

  4. Conserver une présomption d'innocence à tout moment. Content ID prend une position de juge et de partie en supprimant immédiatement et sans aucun procès toute vidéo suspecte, au lieu de laisser à l'utilisateur l'ayant uploadée la possibilité de se défendre avant le verdict final.

    Même si une réclamation automatique n'entraîne pas systématiquement la suppression de la vidéo, elle supprime néan­moins les revenus publicitaires versées au propriétaire de la vidéo, ce qui est extrêmement grave étant donné qu'un certain nombre de YouTubeurs vivent exclusivement de ce site. Le propriétaire de la vidéo n'est en outre jamais dédommagé lorsque la réclamation est retirée.

    Le système actuel laisse 30 jours calendaires à l'entité revendicatrice d'examiner une revendication contestée. Il faudrait renverser cela : il incombe à cette entité elle-même d'examiner sous 30 jours calendaires toute vidéo repérée par Content ID. Tant pis s'il faut employer plus de petites mains qu'avec le système actuel. La présomption d'innocence doit s'appliquer à tous en toutes circonstances.

  5. Être exempt de réclamations Content ID ne devrait pas être un prérequis pour sortir sa vidéo sous CreativeCommons CC-BY. Content ID repère également des morceaux de musique sous CreativeCommons. Selon la variante de Creative­Commons, il est tout à fait légal de sonoriser sa vidéo avec un tel morceau. Dans ce cas, on peut indiquer que la vidéo que l'on publie est sous licence CreativeCommons CC-BY.

    En revanche, l'option « licence CC-BY » n'est pas disponible si Content ID a trouvé des contenus tiers dans la vidéo concernée. J'ignore quelle est la justification, mais quelle qu'elle soit, elle est illogique et stupide.

  6. Ajouter des informations de licence aux fichiers de référence. Avec le système actuel, les détenteurs de droits d'auteur sur les œuvres qui sont soumises à la base de données des fichiers de référence n'ont que trois options concernant la politique à appliquer en cas de corres­pondance : bloquer, monétiser en insérant de la publicité, et laisser passer.

    Cependant, cela me semble insuffisant. Le système présume que les fichiers de référence sont tous sous une licence « tous droits réservés », qui interdit toute réutilisation sans autorisation sauf dans les cas prévus par la loi. Demander quelle politique appliquer ne suffit pas ; il faudrait également demander aux détenteurs de préciser si le contenu est sous CreativeCommons, et si oui, quelle variante.

    Cela aurait également l'avantage de réduire sensiblement les faux positifs liés aux contenus CreativeCommons qui sont réutilisés dans une vidéo YouTube.

    J'irais même jusqu'à dire que si YouTube veut permettre à ses utilisateurs de publier leurs vidéos sous licence CreativeCommons, il faudrait aller jusqu'au bout et leur donner le choix de toutes les autres variantes, comme BY-ND ou BY-NC-SA. La situation actuelle suggère que YouTube considère cela plus comme un pis-aller qu'une vraie fonctionnalité.

Conclusion

YouTube considère que les utilisateurs qui sont dans leur bon droit ne rentrent que dans quatre catégories :

  • le cas du contenu original ;
  • le cas où on détient une licence ou une autorisation pour inclure le contenu ;
  • le cas où la loi autorise la réutilisation du contenu (ex. « fair use ») ;
  • le cas où le contenu est dans le domaine public.

J'ai pourtant mis en évidence qu'il y a beaucoup d'autres cas, et que les situations où une réclamation de copyright n'a pas lieu d'être sont plus nombreuses que cela.

Les déboires liés à ce système sont nombreux, et bien que cela n'ait pas été le cas pour moi, il semble apparent que Content ID soit devenu un instrument de censure malgré lui.

Comme toute technologie, Content ID est à double tranchant. Je ne peux que constater que cela fait au moins cinq ans que cette technologie est mal utilisée et qu'elle cause plus de problèmes qu'elle n'en résoud. Elle met trop de pouvoir entre les mains des soi-disants « ayants-droits », à qui on donne bien trop de droits que ce qu'autorise la loi. Il faut garder à l'esprit que ni la loi américaine ni la loi française n'imposent aux plateformes d'hébergement de vidéos comme YouTube de mettre en place un système comme Content ID.

Les problématiques liées au droit d'auteur sont trop complexes pour être laissées à des machines. J'aimerais juste pouvoir faire des vidéos tranquillement, sans être embêté inutilement pour des pécadilles alors que je suis parfaitement dans mon bon droit. Je prends déjà suffisamment le temps pour m'assurer que j'ai légalement le droit de publier une vidéo avant de le faire. Ne me faites pas perdre des jours de travail à me débarrasser d'accusations frivoles de contrefaçon. Après tout, j'ai mieux à faire.